Isabelle Moign : Le temps

Le temps

La toile déroule les yeux du monde

 

L’horloge du vent aiguise nos mémoires

 

Dans nos mains d’acier, une feuille

s’efface

s’éteint

se fige

 

Chevelure hirsute, la forêt

de lune et de feu

se dresse

s’essouffle

s’allonge

Dans le rythme des flocons

 

Le silence s’enfonce dans nos pas d’argile

 

Le temps se pose sur la peau des mots

Le temps n’a pas de frontière

Le temps se perd dans l’ovale d’une lumière blanche

 

L’eau veille

 

Au lointain

Un métronome tape

tape encore

 

Isabelle Moign – 2020.

 

 

Patrick Dubost : Nos frères & nos soeurs les animaux

« Ici, un travail essentiellement à partir de noms d’animaux, à base de sampling & jeu clavier, mais aussi de mots mis à l’envers, puis dits et enregistrés dits à l’envers pour être de nouveau inversés, donnant alors comme une langue extraterrestre… Le tout sur un texte aux frontières du « presque rien »… La voix grave est aussi la mienne, parfaitement naturelle et sans effets, attrapée sur quelques jours où j’avais la gorge bien prise… Ce travail a été réalisé lors de sessions Ecrits/Studio, puis approfondi lors d’une résidence d’écriture à la Ferme des Lettres, vers Montauban, puis ces derniers jours lors du confinement, à Lyon, en mars/avril 2020… Il est préférable de l’écouter au casque… »

Patrick Dubost

 

Louis Bertholom : De la fenêtre

De la fenêtre

Crachin silencieux

le bitume luit

respirent les herbes

les pneus chuchotent

au passage mouillé

 

De ma fenêtre close

le ciel gris affaissé

assombrit les ardoises

des pas sous un parapluie

rythment ma pendule

 

Troisième étage

buvant un café

je caresse du regard

myosotis et camélias

qui prennent la douche

 

L’ombre s’étale

avec les gouttes

le matin peine

à ouvrir ses paupières

dans le frisson du jour

 

Une étrange tristesse

m’envahit lentement

la pie sur un balcon

s’ébroue et repart

dans l’air criblé

 

Parsemé de larmes

ma vitre tente

d’éclairer la page

que je vais noircir

comme les nuages

 

© Louis Bertholom, Quimper, le 28 avril 2020 (inédit)

 

 

 

Miguel Ángel Real – 10/04/2020

Assis à mon bureau, je relève le défi de dessiner des êtres impossibles, et le résultat est une étreinte en devenir, l’arythmie des pas que j’imagine, la décomposition des fleurs derrière un nuage qui ne passe pas. Il faut que j’apprenne à esquisser sans cesse des lignes que j’ignore, que me je m’efforce à peindre avec les couleurs qui se cachent derrière l’horizon, que je ne tremble pas au moment d’expliquer le monde à mes filles : mais même les tours d’ivoire ne sont qu’un mirage. Nous n’aurons pas d’autre avenir que de briser les cadres.

Miguel Ángel Real, 10/04/2020